Les sabots claquent sur les pavés et s'arrêtent net devant la chapelle du château de Biron. Nos montures font halte devant cette merveille architecturale campée sur une butte aux confins du Périgord. En contre-haut, la première des quatre baronnies du coin a été façonnée par les meilleurs bâtisseurs du Moyen Age et achevée au XVIIIe siècle. Donjon, meurtrières, cuisines voûtées, petites écuries, logis seigneurial et salons de compagnie, tout en boiseries et marqueterie... C'est ici qu'ont été tournés les films cultes de cape et d'épée, du Capitan, avec Jean Marais, à Jacquou le Croquant. Et il suffit d'ailleurs d'une noble jument appaloosa qui répond au doux nom de Sourire et d'un décor romanesque pour qu'en un tournemain on se prenne pour la fille de D'Artagnan. Bon, on se calme...
Forêts de buis
En l'an de grâce 1602, l'ancien maître des lieux, Charles de Gontaut-Biron, a été décapité pour avoir trahi Henri IV, son fidèle ami. Quatre siècles plus tard, Patrick, notre affable guide, connaît toutes ses légendes sur le bout du sabot : "Depuis, on dit que le chevalier erre dans son château certains soirs d'été, la tête à la main..." Il avance dans les fourrés à dos de jument et ouvre les sentiers à coups de machette. Certes, cela manque d'arquebusiers et de poulaines, mais l'Indiana Jones occitan sait ménager ses effets.
Depuis une semaine, à raison de six heures de monte quotidienne, notre cavalerie parcourt l'une des plus belles régions de France. L'occasion unique de se ressourcer et d'envoyer aux orties la déprime hexagonale. La sombre couleur des chênes verts, que les troubadours appelaient yeuses, a donné son nom au Périgord noir. A flanc de coteau, en haut des crêtes, on longe les vignes, les plantations de pruniers d'Ente et de chênes truffiers. Les pruniers sauvages s'enracinent dans les prés tachés de coquelicots. Les montures en file indienne tendent l'oreille dès qu'un chevreuil bondit d'un champ de colza. Les forêts de buis et de charmes prennent des airs de Brocéliande, où des bories recouvertes de mousse - sortes de cabanes de pierres sèches - abritaient autrefois les canards, pour dissuader les renards en goguette.
Cités médiévales
Entre le Quercy blanc et le Périgord noir, à travers la vallée du Lot et les vignobles de Cahors, le parcours de 230 kilomètres est truffé de somptueuses bastides et de forteresses, comme celle de Bonaguil, où nous attend un copieux déjeuner car, messeigneurs, il est temps de faire ripaille ! Enfin repus, nous aurons tout loisir de découvrir ce domaine féerique : "Presque pas du tout démoli, extrêmement pittoresque, couvert de plantes et de fleurs", écrivait déjà Lawrence d'Arabie en 1908. On confirme... Le dernier des châteaux forts construits en France a été remarquablement conservé, avec ses canonnières et sa grotte naturelle située sous l'éperon rocheux.
Au pas, au trot, au galop, on ne compte plus les églises romanes, les cités médiévales et les rues ordonnées des bastides royales. Une ultime foulée et on rejoint Monpazier par la piste du Roy. La plus belle bastide du Périgord a été bâtie au XIIIe siècle pour Edouard Ier d'Angleterre. Au centre de la place carrée, devant la halle ancestrale et sous les flashs des touristes, on arrose la fin de notre glorieuse rando. Une flûte de champagne à cheval, avant de faire monter notre tribu de canassons dans les camions. Et d'aller passer une dernière nuit dans un confortable château du XIXe siècle. Perclus de fatigue mais heureux, pas besoin ce soir de compter les poneys pour trouver le sommeil.
Article du point Par ÉMILIE EYZAT
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